MLS : Comment mieux construire ses clubs pour rivaliser à l’international ?
- Jean-François Morency
- 12 mars
- 4 min de lecture

La Major League Soccer (MLS) ambitionne depuis des années de se hisser parmi les grandes ligues de soccer à l’échelle mondiale. Pourtant, chaque fois que ses clubs affrontent des adversaires internationaux de haut niveau, notamment en Ligue des Champions de la CONCACAF ou lors de compétitions mondiales comme la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA, la réalité les rattrape brutalement. Les récentes défaites du FC Cincinnati et des Sounders de Seattle en Concachampions en sont un nouvel exemple. Seattle, qui affrontera cet été le Paris-Saint-Germain, Botafogo et l’Atlético Madrid dans la Champions Cup du monde des clubs, semble voué à un rôle d’outsider sans véritable chance de briller.
Face à ces difficultés, la MLS doit repenser en profondeur la manière dont ses clubs sont construits et financés. Malgré des investissements conséquents – Cincinnati a déboursé 30 millions de dollars lors de la dernière intersaison – les résultats peinent à suivre. Pourquoi ? Parce que l’argent seul ne suffit pas. La façon dont il est dépensé, les contraintes structurelles de la ligue et l’approche globale du développement des équipes doivent être revus.
1. Une structure salariale trop rigide
L’un des principaux freins à la compétitivité des clubs MLS sur la scène internationale est la structure salariale de la ligue. Le plafond salarial strict, combiné à des règles complexes sur les Joueurs Désignés (DP) et les allocations (TAM, GAM), limite la flexibilité des équipes.
En Liga MX, les clubs n’ont pas ces restrictions. Ils peuvent dépenser librement pour bâtir des effectifs plus équilibrés et mieux adaptés aux compétitions internationales. En MLS, un club peut se retrouver avec trois joueurs de très haut niveau en tant que DP, mais avec un effectif global déséquilibré. Ce manque de profondeur se fait sentir dans les matchs à enjeu où les adversaires peuvent compter sur des bancs beaucoup plus fournis.
Une solution serait d’augmenter le plafond salarial tout en réduisant la complexité des règlements. Offrir aux clubs une plus grande liberté dans la gestion de leur masse salariale permettrait de construire des effectifs plus homogènes et compétitifs.
2. Mieux recruter pour les compétitions internationales
Les clubs MLS ont tendance à se concentrer sur des recrues offensives spectaculaires pour attirer du public et vendre des billets. Si cette stratégie fonctionne sur le plan commercial, elle montre ses limites face à des équipes mieux équilibrées.
La Concachampions est une compétition physique et tactique où les clubs mexicains et d’Amérique centrale savent exploiter les moindres failles défensives. Or, beaucoup d’équipes MLS négligent cet aspect du jeu en investissant peu dans des milieux défensifs solides ou des défenseurs centraux expérimentés capables de tenir le choc face à des attaquants d’élite.
Une refonte de la politique de recrutement s’impose. Il ne s’agit pas seulement de dépenser plus, mais de dépenser mieux, en recrutant des joueurs capables d’élever leur niveau dans les matchs à haute intensité.
3. S’adapter aux réalités de la CONCACAF
Les équipes MLS peinent souvent à s’imposer lorsqu’elles jouent à l’extérieur en Concachampions. Que ce soit en altitude à Mexico, sur des terrains difficiles en Amérique centrale ou dans des stades où l’ambiance est hostile, elles ne sont pas préparées à ces réalités.
Les clubs mexicains et d’autres équipes de la région savent comment gérer ces environnements. Ils construisent leurs effectifs en tenant compte de ces défis, avec des joueurs habitués à ces conditions. La MLS, en revanche, continue de bâtir ses équipes comme si elles n’avaient qu’à jouer sur des pelouses parfaites devant un public familial.
Pour progresser, les clubs MLS devraient investir davantage dans la formation tactique et mentale de leurs joueurs pour affronter ces défis. L’expérience de la CONCACAF ne s’achète pas, elle se construit avec le temps et l’adaptation.
4. Renforcer le développement des jeunes talents
Un autre axe d’amélioration concerne la formation des jeunes. Les académies de MLS se sont améliorées ces dernières années, mais elles restent loin du niveau des meilleures écoles sud-américaines ou européennes. Trop souvent, les jeunes joueurs formés aux États-Unis ou au Canada peinent à s’imposer à haut niveau.
Les clubs doivent non seulement investir davantage dans leurs académies, mais aussi leur donner une place plus importante dans la construction de leurs effectifs. Actuellement, trop d’équipes MLS privilégient les recrues étrangères à court terme plutôt que de faire confiance à leurs jeunes joueurs.
Un modèle inspirant pourrait être celui de clubs comme le Sporting Kansas City ou le Philadelphia Union, qui misent sur le développement interne et parviennent à rivaliser avec des équipes plus dépensières grâce à une identité de jeu claire et un noyau de jeunes talents bien intégrés.
5. Être plus ambitieux sur la scène internationale
Enfin, la MLS doit changer son état d’esprit lorsqu’il s’agit de compétitions internationales. Trop souvent, les clubs semblent aborder la Concachampions comme un tournoi secondaire, en mettant l’accent sur la saison régulière de MLS.
Les clubs mexicains, eux, considèrent la Concachampions comme une priorité absolue. Ils alignent leurs meilleures équipes et se préparent spécifiquement pour ces rencontres. Cette différence de mentalité explique en partie pourquoi la Liga MX domine encore largement la région.
Pour progresser, les équipes MLS doivent voir au-delà de leurs frontières et comprendre que la reconnaissance internationale passe par des victoires face à des adversaires de haut niveau.
Si la MLS veut réellement s’imposer sur la scène mondiale, elle doit revoir en profondeur la manière dont ses clubs sont construits. Un plafond salarial plus flexible, un recrutement plus intelligent, une meilleure préparation aux réalités de la CONCACAF, un renforcement du développement des jeunes et une mentalité plus ambitieuse sont des éléments essentiels pour progresser.
Le soccer nord-américain a énormément évolué ces dernières années, mais il lui manque encore ce petit plus qui permettrait à ses clubs de rivaliser avec les meilleures équipes du monde. Les Sounders de Seattle auront cet été une occasion unique de se mesurer au gratin du football mondial. Mais sans un changement structurel dans la façon dont les clubs MLS sont bâtis, ils risquent, comme trop souvent, de jouer les seconds rôles.
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